Straumann Group

L’économie ne se serait peut-être pas mieux portée sans le covid

20 September 2021
Publication by Jean-Louis Richard · Article first published in Le Temps
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La progression de la bourse au cours de l’été et jusqu’à récemment témoigne que les résultats publiés par les entreprises, de juillet à début septembre, ont été bons, voire excellents. Plus précisément, des sociétés ont tellement rattrapé le passage à vide dû au covid, qu’elles se trouvent à des niveaux qui auraient paru enviables si la conjoncture mondiale avait continué d’être soutenue tout au long de 2020.

C’est le cas du fabricant de sanitaires Geberit, dont les ventes semestrielles sont en hausse de 17%, non par rapport au semestre confiné du début 2020, mais par rapport à son solide premier semestre 2019!

Dans les spécialités chimiques, notamment destinées à la construction et à l’automobile, Le zougois Sika publie lui aussi des ventes de 19% supérieures à celles de 2019. Dans l’électronique et l’informatique, Also a bénéficié des confinements lorsque tout le monde s’est équipé pour le télétravail. Mais, loin de ralentir avec la levée des restrictions, l’entreprise a encore progressé de presque 10% sur les six premiers mois de 2021.

Straumann, un spécialiste des soins dentaires à Bâle, a vu son chiffre d’affaires tellement rebondir qu’il se trouve 26% au-dessus du niveau de 2019! Un autre secteur en verve est celui des banques, à l’instar du gestionnaire de fortune Julius Baer dont le bénéfice opérationnel est de 17% supérieur à celui du premier semestre 2019. Emmi, le fabricant des cafés latte, se disait très inquiet au début du confinement parce que beaucoup de ses produits sont vulnérables si les ménages se serrent la ceinture. Pourtant, l’entreprise laitière a vu ses ventes gagner 2% au premier semestre 2020. Elle a récidivé cette année avec une croissance organique de 4%.

La multiplicité de ces exemples interpelle sur la santé de l’économie post-confinement et suggère la question: l’économie ne se porte-telle pas mieux que s’il n’y avait pas eu le covid?

L’institut conjoncturel KOF à Zurich estime que dans de nombreux secteurs, les perspectives sont meilleures aujourd’hui qu’elles ne l’étaient début 2020.

Cela concerne la construction, l’industrie, la distribution de détail et de gros, les services financiers et l’assurance… c’est-à-dire une grande partie de l’économie. Il faut se remémorer que début 2020, juste avant que le covid ne se répande dans le monde, l’horizon économique paraissait chargé: les Américains et les Chinois dressaient de nouvelles barrières commerciales; le cycle de croissance vieux de dix ans s’essoufflait sans que les gouvernements semblent en mesure de réagir; les banques centrales paraissaient avoir tiré à peu près toutes leurs cartouches: elles achetaient une grande partie de la dette émise par les Etats et les entreprises; les taux d’intérêt étaient passés en territoire négatif dans de nombreux pays (ils le sont encore). Difficile de faire davantage.

D’un autre côté, les gouvernements, toujours soucieux de rééquilibrer leurs budgets après la grande crise financière de 2008, continuaient à peser sur la croissance. Dans ce contexte et après l’appréciation de 24% des actions suisses en 2019 (indice SMI), le pronostic pour 2020 était réservé. Pourtant, la crise du covid a éclaté, l’économie mondiale s’est effondrée… mais, contre toute attente, les actions se sont à nouveau appréciées de 4%. Rebelote cette année puisque le SMI est en hausse de 19% fin août.

Une explication possible est que la crise du covid a été si brutale que les gouvernements sont intervenus massivement pour éviter le pire. En Suisse, cela s’est traduit par le chômage partiel. Aux Etats-Unis, des mesures semblables doivent être prolongées par un énorme programme d’investissement dans les infrastructures (toutefois, son vote au parlement ne semble pas acquis). Autrement dit, les Etats ont opéré sans discussion une vaste relance keynésienne. Sans préjuger du regain d’inflation observé actuellement, les dépenses étatiques semblent avoir été efficaces à relancer la machine économique et nous pourrions être entrés dans un nouveau cycle de croissance. La bourse, comme la décrue rapide du chômage, tend à corroborer une telle hypothèse.

Une partie de la croissance enregistrée ces derniers mois correspond à un effet de rattrapage. Cet effet devrait s’estomper dès la fin 2021. En outre, la crise du covid n’est pas terminée.

Enfin, certains secteurs ne sont toujours pas sortis de l’ornière. Le KOF cite l’hospitalité, encore loin de son rythme d’avant-crise. D’autres exemples sont le fabricant de montres Swatch dont le chiffre d’affaires sur six mois reste 17% sous celui de 2019, le genevois SGS avec des ventes péjorées de 7,4%, le fabricant genevois de composants électroniques LEM encore 2,3% sous son chiffre d’affaires de 2019.

Mais, comme la bourse l’a déjà entériné, un élan a été donné qui pourrait susciter un effet boule de neige selon les préceptes keynésiens. La question centrale pour 2022 se profile déjà : dans quelle mesure assiste-t-on à un sursaut temporaire ou à l’émergence d’une nouvelle dynamique?